Le cadeau : recevoir

Source : Livre "Le cadeau" p89


Donner et recevoir : une seule et même chose

Comme je l'avais déjà découvert dans ma pratique d'éducatrice spécialisée, la relation d'aide ou d'apprentissage n'est pas à sens unique. L'aide est toujours réciproque, celui qui donne reçoit et vice-versa.

Dans ces relations non virtuelles, l'amour s'engouffre dans les coeurs endormis, et nous rappelle qu'il n'y a rien de plus important que l'instant ; que la vie nous envoie aujourd'hui la seule chose qui est nécessaire à notre bien-être durable, à savoir : ressentir l'amour qui cherche constamment à circuler à travers nous, en offrant des situations concrètes où nous pouvons exercer ce don d'amour, ce don de soi.

CIR CU LER : ce terme implique bien un mouvement qui n'a ni début ni fin, donc ni émetteur, ni récepteur.

Le mental essaie de fragmenter le mouvement en désignant des donneurs et des receveurs. Il y a ceux qui donnent (les charitables, les généreux) et il y a ceux qui en bénéficient (les misérables, voire les profiteurs !).

Dans ce fonctionnement vertical qui cloisonne le pouvoir, nous avons fait du receveur un endetté redevable et du donneur un héros à honorer.

Recevoir est une position bien plus difficile que donner, car elle implique de se sentir digne de recevoir... donc de s'aimer !

Il m'a fallu du temps pour recevoir sereinement sans me sentir redevable. Je vois l'immense reconnaissance chez les gens quand je reçois pleinement ce qu'ils veulent donner : enfin quelqu'un qui ne se débat pas, qui ne résiste pas !

Tout est fait dans ce culte excessif de l'altruisme et de la charité pour masquer le désamour que nous avons de nous-même et esquiver cette place vulnérable et révélatrice du recevoir.

Les attitudes de pitié et d'assistance infantilisante, tout comme les fermetures et rigidités découlent à
mon sens de cette coupure du pôle réceptif, féminin, de notre être.

En fait, la souffrance de l'humanité parle peut être plus d'une difficulté à RECEVOIR que d'une difficulté à donner...

En apprenant à recevoir, je vois combien mes défenses paranoïaques s'effondrent. Parce que chaque jour je vis concrètement l'expérience de la générosité, je retrouve la confiance en cette humanité malencontreusement réputée égoïste, et cela installe une paix profonde en moi.

A l'inverse du temps où je me considérais "autonome" du fait d'avoir la mobilité de tout mon corps, j'ai appris à demander avec joie et à recevoir sans gêne, sans scrupules.

J'ai appris à rétablir le courant du partage, où l'important n'est pas '"combien je donne, combien je reçois?" mais '"comment ?"...
.. avec élan ? enthousiasme ? gratitude ? joie ?...
... ou avec lourdeur, réticence, obligation ?

Le premier crée. Le deuxième tue à petit feu.

Me libérer de la comptabilité dans la relation, voilà une nouvelle perspective de la liberté qui ne ressemble à aucune des libertés que je poursuivais dans ma vie trépidante d'avant !

Juliette Robledo

Commentaires